lundi 30 juin 2014

Drones en carrière, start-up & take-off

Une toquade à la mode pour réalisateur de télévision en mal d'inspiration ? Pas que. Les drones font une apparition de plus en plus remarquée dans le monde industriel et aujourd'hui dans celui des carrières. La récente alliance entre Redbird, une start-up du vol télépiloté, et le vénérable groupe Monnoyeur laisse augurer des développements intéressants.


En mai dernier, Redbird, une start-up du drone civil à usage industriel et agricole, et le groupe Monnoyeur concluaient un accord. Celui-ci comprend en particulier une prise de participation en capital du groupe dans la jeune entreprise et vise à déployer une offre globale de services par drone pour la construction, les travaux Publics, et l’industrie minérale, notamment pour le suivi et l’optimisation des chantiers. Pour mieux faire connaissance avec des techniques et des services qui provoquent une petite révolution dans le monde de l'industrie extractive notamment, les deux partenaires avaient organisé en juin une envolée démonstrative au-dessus des terres de la SMBP au sud de Chartres.

Prendre de la hauteur

Emmanuel de Maistre, Redbird
Christian Laye, ses enfants et petits-enfants ont le calcaire de Beauce qui coule dans leurs veines depuis leur naissance. La SMBP l'exploite ici depuis 1978. La carrière produit annuellement 1,2 millions de tonnes essentiellement pour les marchés de la région parisienne et cette affaire familiale réalise un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros avec 4 millions d'euros de fonds propres. Le PDG n'est pas peu fier d'ailleurs de sa dernière réalisation, une imposante installation qui traite chaque jour 1000 tonnes boues de lavage. Un investissement de quelque 6 millions d'euros sur lequel on reviendra plus tard.
Mais parfois, pour mieux gérer la terre, il faut prendre un peu de hauteur. C'est ainsi que l'arrivée dans le monde civil de ces petites machines volantes que sont les drones a donné des idées à une nouvelle génération d'entrepreneurs.
Comme l'explique Emmanuel de Maistre, co-fondateur et président de Redbird, son entreprise a été créée il y a un peu plus d'un an et demi. Cette "compagnie aérienne de drones civils" ainsi que l'indique son intitulé, se veut avant tout un fournisseur de services au travers de toutes les possibilités qu'offre sa flotte de machines à voilures fixe ou tournante (ailes ou rotors).
Les liens privilégiés qui se sont établis avec le groupe Monnoyeur devraient permettre à la start-up de s'affirmer dans ce secteur qui connait actuellement une expansion fulgurante. E. de Maistre fait d'ailleurs remarquer qu'il existe aujourd'hui plus de 650 sociétés présentes sur ce marché mais dont la très grande majorité (95 %) s'adresse au monde des médias et de l'audiovisuel.
Redbird opère ainsi une flotte complète d'"aéronefs télépilotés", autrement dit des drones. Ceux-ci sont équipés de capteurs destinés à modéliser et analyser l'environnement de travail direct des engins pour optimiser la production et assurer une sécurité optimale. Benjamin Hugonet, directeur commercial de Redbird, fait tout d'abord remarquer que, en matière d'acquisition de données géospatiales, la productivité du drone est très supérieure à une mesure depuis le sol (par exemple 120 points par mètre carré contre 5 environ). Les mesures réalisées en carrière touchent de nombreux domaines tant de la production que de la sécurité comme le suivi de front de taille, les cubatures, la caractérisation des pistes et leur érosion, les hauteurs de merlons,…
De fait, les drones réalisent le travail d'un géomètre ou d'un topographe de manière plus rapide, plus précise et plus sûre en limitant l'intervention humaine sur des sites parfois dangereux.

Tout est dans la mesure

Grégoire Arranz, Sitech, avec Ph. Monnoyeur (de dos)
On imagine donc toutes les possibilités qui s'offrent à l'exploitant de carrière ou de mine qui va pouvoir combiner données fournies par les matériels, par les drones… avec ses logiciels d'exploitation. D'ailleurs, Grégoire Arranz, le directeur général de Sitech (filiale de Bergerat Monnoyeur) qui commercialise du matériel topographique, de guidage d’engins et de gestion de flotte de machines, l'a bien compris. Le développement d'un partenariat avec Redbird dans ce domaine de l'acquisition de données et des systèmes d'information géographique arrive justement à point pour développer une activité de service complémentaire. En effet, l'équation économique a changé notamment dans le secteur des engins pour les mines et carrières où elle est de moins en moins liée au coût d'achat qui ne représente plus que 31 % alors que le carburant intervient pour 30 %, l'opérateur pour 24 % et la maintenance pour 15 %.
Il faut donc pouvoir fournir à l'entreprise cliente une partie de la solution en diminuant les coûts de production, en améliorant la sécurité et en diminuant l'impact carbone. La méthodologie de l'exploitant pourrait aujourd'hui se définir par cet acronyme anglo-saxon : DMAIC (pour define, mesure, analyze, improve, control). Et c'est dans le domaine de la mesure qu'une entreprise comme Redbird peut intervenir pour assurer à l'exploitant un fonctionnement pérenne de son matériel notamment en optimisant les éléments qui interagissent entre son site et son matériel. Cela peut même aller, grâce aux données recueillies, jusqu'à démontrer à ce client qu'une bonne méthode d'exploitation lui permettrait d'économiser l'emploi d'un tombereau sur son cycle de production !

Convaincre

Benjamin Hugonet, Redbird
Enfin, Philippe Monnoyeur, le nouveau directeur général de Bergerat Monnoyeur France, rappelait que si le groupe Monnoyeur a aujourd'hui 110 ans, son activité tournée essentiellement vers la distribution de biens d'équipement, la location et l'énergie lui permet de prétendre à une éternelle jeunesse comme le prouve cette coopération dans les drones. Le groupe est présent en France, bien sûr, mais aussi en Belgique, en Pologne, en Croatie, en Roumanie et en Algérie. Il réalise un chiffre d'affaires de 1,5 milliards d'euros dont 40 % à l'étranger. Il est à noter que l'activité de l'entité Bergerat Monnoyeur représente à elle seule 71 % de ce chiffre d'affaires.
Alors cette association avec Redbird symbolise la volonté du groupe d'être à la recherche d’opportunités de développement au travers notamment de solutions innovantes permettant d'améliorer la productivité de sa clientèle. Redbird est l'exemple type d'une start-up qui propose des solutions avec des technologies totalement originales dans le domaine de l'acquisition de données dans un environnement de production.
Reste à convaincre les carriers. Christian Laye, lors de la démonstration, avait le sourire… mais on le sait dur en affaires !


Éric Massy-Delhotel

lundi 16 juin 2014

Déchets du BTP: Yprema envoie les artisans dans l'espace

Chez Yprema, le "small is beautiful" redevient très tendance. L'artisan et sa camionnette de déchets de chantier, de plus en plus banni des déchèteries communales, retrouve un exutoire pour ses produits souillés dans une déchèterie professionnelle, un "espace artisan" puisque tel est le vocable adopté par l'entreprise de Claude Prigent.

Certains s'en souviennent peut-être, Yprema, le spécialiste breton mais surtout francilien du recyclage des matériaux de travaux publics avait ouvert en 2008, à Lagny-sur-Marne (77) sa première déchèterie destinée à accueillir les artisans. Le principe était simple puisqu'il consistait à offrir à ces derniers la possibilité de déposer leurs déchets de chantier sans perte de temps, avec des plages horaires importantes et un minimum de formalités. En outre, au-delà de la simple déchèterie, l'artisan pouvait repartir en s'étant approvisionné en matériaux naturels ou recyclés, en vrac ou en big-bag, d'où cette notion "d'espace artisan".

93 + 94 + 77 = stratégique

Comme l'explique François Przybylko, le directeur commercial, le projet de créer un nouvel espace artisan à Émerainville (où existe déjà une grosse installation de traitement de déchets du BTP) est venu du fait que Lagny-sur-Marne était arrivé en vitesse de croisière et que la situation géographique privilégiée d'Émerainville offrait de nouvelles opportunités. On est en effet ici en limite de la petite couronne de la région parisienne et de trois départements (Seine-et-Marne, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis), à deux tours de roue de la Francilienne et de l'autoroute A4. À cela s'ajoute que, dans les trois départements déjà cités, plus de la moitié des déchèteries communales (93 sur un total de 167 déchèteries) refusent de recevoir les déchets des artisans. Et ce pourcentage est en constante augmentation.
François Przybylko: offrir aux artisans
un exutoire simple et rapide
Il était donc logique de proposer à ces artisans, moyennant finance bien sûr, un exutoire où décharger simplement et rapidement leurs camionnettes pleines de déchets divers en restant dans la légalité et en perdant un minimum de temps.
La plateforme d'Émerainville a donc été réaménagée en conséquence afin de séparer le flux des camionnettes des artisans de celui des camions allant sur le centre de traitement. Le site est ainsi conforme aux normes de sécurité, notamment celles particulièrement draconiennes édictées en 2012.

Les clients arrivent

Ce nouvel espace artisan d’Émerainville devrait connaitre un certain succès compte tenu des résultats de son frère jumeau de Lagny-sur-Marne. Celui-ci enregistre, en moyenne, 30 nouveaux clients par mois. Selon les représentants d'Yprema, cette forte progression est due à la fois aux campagnes d'information auprès des municipalités et des artisans mais aussi, pour plus d'un tiers, au bouche à oreille. Actuellement, Lagny réceptionne chaque année 5.000 tonnes de déchets et vend, en "double fret", 1 500 tonnes de matériaux naturels et 1 000 tonnes de matériaux recyclés. Plus de 40 % des déchets réceptionnés sont des gravats propres et des terres qui sont recyclés et qui entrent dans le processus de production des matériaux recyclés. Les autres déchets sont repris par des spécialistes de chacune des filières (un gros centre Veolia Environnement est d'ailleurs implanté à 500 mètres du site d'Émerainville !).

Éric Massy-Delhotel

mercredi 11 juin 2014

Co-produits industriels : un statut de déchet discutable

Le 5 juin dernier, à l'École des Mines de Douai, l'Afoco (Association française des opérateurs sur co-produits industriels) organisait sa traditionnelle journée technique annuelle sur le thème des matériaux alternatifs industriels dans l'économie circulaire. On pourra bientôt retrouver sur le site de cette association technique (www.afoco.org) les principaux exposés présentés lors de cette journée mais la table ronde qui s'est tenue à cette occasion, animée par le journaliste Jérôme Bergerot, a permis aux différents intervenant de préciser leur pensée au sujet de l'actuelle et épineuse question de la sortie du statut de déchet. Et tout cela sans trop de langue de bois (recyclé).

Cette table ronde réunissait donc un "producteur", Daniel Richard, responsable Business Coproduits chez ArcelorMittal, un "transformateur et utilisateur", Didier Desmoulin, directeur technique dans le groupe Colas, un "prescripteur", Hervé Coulon, du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) Picardie, et enfin Éric Seitz, senior VP pour l'Europe de l'ouest de Phoenix Services et vice-pdt de l'Afoco.

L'heure du laitier

Daniel Richard: On a l'impression d'entamer
un nouveau chemin de croix [photo EMD (c)]
Avant d'entrer dans le vif du sujet, Daniel Richard rappelait que la production d'une tonne d'acier génère 600 kilos de co-produits, donc de "déchets". Sur ces 600 kilos, 300 sont des déchets des haut-fourneau et 100 d'aciérie. Ce n'est pas négligeable et on comprend dès lors l'intérêt de valoriser ces co-produits et ces déchets plutôt que de les enfouir avec les coûts importants qui en découlent. La valorisation des co-produits et des déchets sur une usine comme Dunkerque représente une recette de 30 et 35 millions d'euros par an soulignait D. Richard. Ainsi, depuis de nombreuses années, l'industriel s'est inscrit dans cette valorisation des co-produits pour proposer des granulats de déchets. Il travaille dans ce domaine en collaboration avec divers organismes pour améliorer la qualité de ces "laitiers" de haut-fourneau et d'aciérie. Il a en outre initié une démarche qualité qui a permis d'aboutir à la publication d'un guide Setra (Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements) consacré au sujet.
Autre point important, à partir de 2006, cette industrie est entrée dans la législation "Reach" européenne relative aux substances chimiques et ArcelorMittal comme d'autres sidérurgistes européens, a décidé d'y enregistrer les laitiers de haut-fourneau et les laitiers d'aciérie. Cette démarche d'enregistrement, D. Richard n'hésite pas à la qualifier de véritable chemin de croix avec des centaines de milliers d'euros dépensés pour chaque substance. "Alors, aujourd'hui, quand on remet sur pied une sortie du statut de déchet pour ces laitiers de hauts-fourneaux et ces laitiers d'aciérie, on a un peu l'impression d'entamer un deuxième chemin de croix" soupirait le représentant d'ArcelorMittal ajoutant qu'il se retrouvait à expliquer et à démontrer de nouveau les mêmes choses avec les pertes de temps et d'argent que cela implique.
Hervé Coulon: Ce n'est pas une raison pour se mettre
des freins économiques en plus [photo EMD (c)]
Aux yeux d'Hervé Coulon, l'harmonisation est nécessaire en matière de sortie du statut de déchet au niveau européen mais, précisait-il, "si l'on est conscient que l'on a intérêt à bien évidemment adopter et adapter au mieux la législation européenne, ce n'est pas une raison pour se mettre des freins économiques en plus" (au niveau franco-français).
Daniel Richard ajoutait un exemple simple et particulièrement parlant. Un sidérurgiste implanté à Gand exporte exactement les mêmes laitiers de haut-fourneau que ceux provenant du site de Dunkerque. Il expédie ainsi des bateaux outre-Atlantique sans aucune formalité à réaliser alors que le sidérurgiste français, à partir de Dunkerque, est astreint à une procédure administrative longue et complexe. "Sur certains pays qui sont en dehors de l'Europe, la complexité des dossiers à réaliser est décourageante et on se trouve donc face à des freins administratifs dont l'origine est purement franco-française" regrettait le responsable d'ArcelorMittal.

Y croire ou pas ?

Éric Seitz est quant à lui "transformateur", sa société Phoenix Services traite aussi bien les laitiers de haut-fourneau que les laitiers d'aciérie. Il vend ces laitiers depuis de très nombreuses années et, bien qu'ils soient étiquetés "déchets", cela ne lui posait pas de problèmes particuliers jusqu'à aujourd'hui. Mais "si l'on va vers un statut de produit, il faut savoir ce que cela va nous apporter et changer pour nous. Les coûts de mise sur le marché seront-ils à la baisse grâce à une diminution des exigences de suivi des matériaux ou à la hausse ?" s'interrogeait É. Seitz avouant que, finalement, à l'heure actuelle, sa profession serait plutôt sur une position attentiste.
Eric Seitz: Il faut savoir ce que cela va nous apporter
[photo EMD (c)]
Et celui-ci d'ajouter que si généralement les laitiers de haut-fourneau ne présentent pas aujourd'hui de problèmes particuliers de commercialisation, il n'en reste pas moins vrai que certains laitiers issus du convertisseur rencontrent plus de difficultés.
Didier Desmoulin insistait de son côté sur une vision un peu plus globale vis-à-vis des matériaux dits alternatifs. Dans ce domaine, la principale ressource est constituée par les déchets du BTP. Le texte sur la sortie du statut de déchet qui est proposé actuellement et qui n'est pas encore sorti n'est pas totalement satisfaisant aux yeux du directeur technique de Colas car il va restreindre l'usage de ces produits : "Cela veut dire que, quelque part, on laisse une bonne partie du gisement de l'autre côté de la barrière". D. Desmoulin ajoutait : "Aujourd'hui, on se débrouille avec les co-produits dans une économie de système qui est ce qu'elle est. Nous avons fait des efforts très importants en tant que transformateur et applicateur au niveau des analyses environnementales. Des analyses, des procédures, des validations que nous supportons dans la majorité des cas". Alors, effectivement, si la sortie du statut de déchet lui assure que toutes ces analyses et ces procédures sont réalisées en amont chez le producteur de déchets qui va lui transférer au même prix le produit pour qu'il puisse effectivement le commercialiser… 'Pourquoi pas ? Mais on n'y croit pas".
Daniel Richard évoquait de son côté l'exemple du goudron qu'il commercialise à partir de trois cokeries en France (Dunkerque, Florange et Fos-sur-Mer). Ici aussi, suivant le statut de chacune de ces cokeries et alors qu'il s'agit du même goudron, il faut distinguer d'une part des produits (Dunkerque, Florange) alors que pour Fos il s'agit d'un déchet ! En Europe, ce goudron est vendu aux quatre clients présents sur le marché au même prix qu'il soit déchet ou produit. Ainsi, souvent, dans ce domaine, c'est le marché qui va autoriser ou piloter l'économie de la filière. "Il faut donc que dans cette filière il y ait un équilibre gagnant-gagnant entre le producteur, le transformateur et l'utilisateur" insistait le représentant d'ArcelorMittal. Que va-t-il se passer dans cinq ans si l'on adopte ce nouveau statut de produit ? Celui-ci ne pense pas que cela va faire bouger les lignes. La sortie du statut de déchet pour le producteur est avant tout une simplification au niveau administratif concluait D. Richard, expliquant que la problématique n'est pas la même sur les laitiers de haut-fourneau et sur les laitiers d'aciérie puisqu'il est possible d'exporter à grande distance les premiers alors que pour les seconds il s'agit plutôt d'une économie locale.

Impôts à la décharge

Didier Desmoulin: Arrêtons de mettre les impôts
à la décharge [photo EMD (c)]
Didier Desmoulin insistait à nouveau sur le fait que le gisement principal de matériaux alternatifs dans les entreprises de travaux public était tout de même celui des déchets du BTP : "Les matériaux alternatifs pour nos besoins dans le bâtiment, c'est environ 220 Mt par an et c'est à peu près 15 % des besoins qui sont couverts actuellement par des matériaux alternatifs. Dans ces 15 %, les laitiers doivent représenter de 3 à 4 %. Quelques autres matériaux viennent s'ajouter mais, globalement, on trouve donc en premier les déchets de BTP puis les matériaux issus de la sidérurgie". Et voici que le texte d'arrêté de sortie du statut de déchet, qui a représenté pour Colas et les autres entreprises du secteur nombre de réunions de travail et des investissements en temps et en hommes, va laisser les deux tiers du gisement avec le statut de déchet… Non seulement un certain nombre de matériaux vont rester avec le statut de déchet avec tout ce que cela implique mais cela va aussi pousser à faire du tri pour réaliser une sur-qualité d'un côté et du déchet ultime d'un autre côté. Tout cela alors que, pendant deux ans et demi, les entreprises ont mis tous leurs efforts pour arriver à sortir un document qui permette effectivement une juste utilisation du produit dans un contexte de scénario. "Alors, finalement, je suis plus un partisan de l'attente pour arriver à quelque chose de plus pragmatique que ce texte qui risque de nous enfermer dans un carcan dont il sera difficile de sortir" se résignait D. Desmoulin ajoutant que cela allait peut-être modifier les équilibres économiques. En effet, dans les matériaux alternatifs, à qui on reproche souvent d'être au même prix que les matériaux primaires, on oublie les frais d'enfouissement évités. "Dans ce prix des matériaux alternatifs, il y a également tout ce que la société s'économise comme frais de mise en décharge: arrêtons de mettre les impôts à la décharge" lançait le directeur technique de Colas.

Responsables mais…

Enfin, restait à évoquer l'aspect de responsabilité du producteur dans le cadre de cette sortie du statut de déchet. Pour Éric Seitz, c'est l'un des sujets d'interrogation de cette transformation du déchet vers le produit. Aujourd'hui, le producteur du déchet reste in fine responsable en cas d'atteinte à l'environnement. Demain, un changement vers un statut de produit fera qu'il y aura une coupure mais reste à savoir à quel niveau celle-ci se fera. Au niveau du transformateur ? Du maître d'ouvrage ?
Daniel Richard croit de son côté que l'important n'est pas là. Quand il y a un problème environnemental ou lié à un co-produit, une substance, c'est souvent le producteur, le plus gros, qui aura la responsabilité aux yeux de l'opinion publique en général : "Je pense que, quel que soit le statut, déchet ou produit, si demain il y avait un problème lié à l'environnement, l'intérêt médiatique se porterait automatiquement sur le principal opérateur".
Didier Desmoulin estimait quant à lui que, dans le développement durable de l'entreprise, l'utilisateur fait attention à ce qu'il met en œuvre. Aujourd'hui, les guides tels qu'ils sont rédigés permettent d'avoir une méthodologie qui rassure et établit les responsabilités. "De fait, il y a un certains nombre de matériaux alternatifs que je ne prends pas dans mon entreprise mais je peux faire ce choix car il existe maintenant bien plus de possibilités qu'il y en avait voici une vingtaine d'années" précisait-il en guise de conclusion.
On le voit, le débat est loin d'être clos mais ce qui ressort de ces prises de parole c'est le sentiment pour les industriels concernés qu'il serait préférable de remettre sur le métier l'ouvrage "sortie du statut" plutôt que d'aboutir à une réglementation inadaptée aux réalités du terrain. À suivre…

Éric Massy-Delhotel